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14 janvier 2010

Egypte : Regain de violence entre chrétiens et musulmans

Les coptes - chrétiens d'Egypte - ne sont pas prêts d'oublier la nuit du 6 janvier. Six d'entre eux, orthodoxes, ont été abattus par des musulmans à la sortie de la messe de Noël. Depuis, la vie s'est arrêtée dans la ville de Nagaa Hammadi, non loin de Louxor, où s'est produit le drame. Les chrétiens manifestent par centaines d'un côté et les musulmans par milliers de l'autre. Entre les deux communautés, des camions de l'armée égyptienne et des soldats bombes lacrymogènes et battes à bout de bras. La fusillade et le climat de violence qu'il règne désormais dans ce village ont provoqué l'émotion de tous les chrétiens d'Egypte et même au-delà, au Vatican, où Benoît XVI a évoqué l'événement dimanche dernier en appelant  à « empêcher les violences religieuses ».
 
2010_01_08T220634Z_01_APAE6071PF000_RTROPTP_3_OFRWR_EGYPTE_COPTES_20100108A l'origine de ce regain de violence, le viol d'une fillette musulmane commis par un chrétien le 9 novembre dernier. La scène aurait été filmée et largement diffusée dans les villages et sur internet.  Le fauteur de trouble est aujourd'hui en prison mais cela n'a pas suffit à calmer la communauté musulmane qui guettait le moment adéquat pour se venger. Quelques jours avant la messe de Noël, les chrétiens se préparaient déjà au pire. Le prêtre de la paroisse appelait les fidèles à être très prudents dans leurs déplacements.

La région de la Haute Egypte, composée de villages souvent très pauvres, enregistre la plus forte concentration de coptes, de rite orthodoxe pour la grande majorité. Leur nombre peut parfois atteindre un tiers de la population d'un village alors qu'ils représentent à peine 10% des habitants dans l'ensemble du pays. La vie, dans cette région du bord du Nil, est encore dictée par le code, intraitable, de l'honneur. Il n'est ainsi pas rare de voir une simple querelle de terrain entre deux paysans de religion différente se solder par une fusillade. Dans ce contexte, les conflits interconfessionnels sont récurrents. Coptes et musulmans vivent dans un climat de « guerre froide ». Ils préfèrent, la plupart du temps, s'éviter.

Pour Ahmed Hassan Sami, un journaliste musulman du Caire, l'Egyptien à l'origine de ce viol cherchait à provoquer l'autre communauté  : « Il savait que son geste allait avoir de telles répercussions. Les musulmans là-bas n'allaient pas se satisfaire qu'il aille en prison Ces villages ont leurs propres lois. Et tout le monde les connaît. Il cherchait, selon moi, le résultat qu'il a produit».

Culture_et_religion___egypte_copte_2___monast_reHosni Moubarak, le Président égyptien ne s'est pas exprimé à ce sujet, préférant rester en retrait. Une situation que déplore Gamal Eïd, directeur au Caire du réseau arabe  d’information sur les droits de l’homme (ANHRI) : « Nous vivons dans un Etat criminel. Les autorités préfèrent envoyer l'armée et monter des barricades plutôt que d'organiser des débats dans ces villages pour apaiser les tensions ». Gamal Eïd, également avocat, défend aussi à Nagaa Hammadi le blogueur Hani Mazeer, en prison depuis 16 mois. Le tord de ce copte de 28 ans qui aimait se présenter comme « laïc » ? Avoir osé évoquer dans son journal en ligne les troubles entre les deux communautés. Son avocat n'a aujourd'hui plus le droit d'aller le visiter en prison. « On lui reproche d'avoir critiqué l'islam. Les autorités savent que c'est faux mais reconnaître qu'il est victime d'une injustice, ce serait aller contre les fondamentalistes musulmans. Or leur poids est considérable dans ces régions et l'Egypte ne peut pas s'opposer à eux », note Gamal Eïd. 

Plus au Nord d'Nagaa Hammadi, en Moyenne Egypte, les fondamentalistes musulmans ont en effet souvent pignon sur rue. Ils entretiennent des relations parfois très étroites avec les élus des villages. « Ces extrémistes contribuent à développer une culture de la haine », constate Chérif Albert, un copte du Caire. « Certains chefs religieux tiennent des propos très négatifs à notre égard dans leurs prêches à la mosquée. Ils appellent aussi les fidèles à regarder des programmes télévisés qui incitent à la violence envers les non-musulmans. Après, il suffit d'une étincelle pour que le feu prenne entre eux et nous ».

Les conflits interconfessionnels se multiplient en Egypte à mesure que le pays s'appauvrit.  Dans la majeure partie des cas, quand les coptes font face à une discrimination, ils n'osent pas se rendre la police en laquelle ils n'ont pas confiance. Ils préfèrent alors, quand ils ont de l'argent, quitter le pays, direction l'Europe ou l'Amérique.

Marion Touboul

(publication La Vie 14/01/10

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